lundi 6 juillet 2020

Pesticides et santé publique : observations et méthode de protection contre les débordements de produits phytosanitaires

Ces réflexions, recommandations, cette aide à la gestion des situations préoccupantes lorsque l’on est soumis à la pollution de pesticides utilisés en agriculture à proximité de son lieu de vie, sont issues de la pratique d’un agriculteur bio adhérent de l’association qui a subi à maintes reprises ce problème inacceptable.

La décision de transmettre cette aide, certes perfectible, a été prise suite à la rencontre par le biais de l’association avec des personnes soumises à ce genre de pollution et plongées dans un grand désarroi.

Il est toujours difficile de savoir que faire dans ces situations, surtout lorsque l’on connaît peu le milieu agricole, ses pratiques, ses contraintes et souvent son inconscience dans ce domaine.
 
Tout d’abord, il faut avoir à l’esprit que déboucher sur un conflit avec votre voisin agriculteur est un échec.

1) Le premier des grands principes est la pratique de la diplomatie : Allez à la rencontre de votre voisin, demandez-lui s’il traite ses cultures avec des produits utilisables en Agriculture Biologique. 
Si c’est l’affirmative, le problème devient secondaire, sauf en cas d’incivilités évidentes.

2) Si votre voisin reconnaît être en agriculture conventionnelle, demandez-lui quelles précautions il a prévu de prendre pour éviter tout débordement. 

3) Vous pouvez aussi lui demander les noms des produits utilisés car c’est une obligation de les faire connaître aux résidents et aux personnes présentes à proximité (règlement UE 284/2013).  
   
4) Des distances de sécurité sont appliquées suivant les catégories de produits, les cultures et les systèmes anti-dérives utilisés ou mis en place par l’utilisateur de produits phytosanitaires. Il est possible d’avoir accès à toutes ces informations en consultant le décret n°2019-1500 du 27/12/2019.

5) Si votre voisin est coopératif, si toutes les conditions sont remplies, tout va pour le mieuxe, mais une surveillance discrète reste nécessaire.

6) Si une des conditions n’est pas remplie, si vous sentez une réticence, avertissez-le que vous allez installer des panneaux de verre témoins pour vérifier que tout se passe bien (voir plan ci-dessous). 
Suivant la réaction, il est possible d’en mettre plusieurs allants de 1 m à 20 m de la parcelle traitée. 
Ces panneaux de verre, nettoyés avec soin, en position penchée permettant l’évacuation de la rosée ou de la pluie, vont vous permettre de connaître avec une grande précision, par transparence, l’état des dépôts de produits sous forme de micro-gouttelettes déposés chez vous – vous pouvez en compter le nombre au cm2.


7) Attention, ces panneaux, dans la majorité des cas ne doivent pas être cachés ; ils sont donc mis de façon ostensible et visible à 1m de hauteur, et il est nécessaire d’avertir les utilisateurs de produits de sorte de ne pas les piéger. Cela conditionne à ce stade le maintien de bonnes relations. L’objectif étant de s’entendre.



Après ce stade il y a deux solutions :

8)  Cela se passe bien, l’agriculteur fait extrêmement attention, il dispose d’un matériel adapté, le vent éloigne les produits de chez vous, les produits utilisés sont peu toxiques, ou idéalement sont utilisables en Agriculture Biologique, les horaires sont adaptés au régime des brises. 

9) Pour vérifier ce dernier point vous pouvez installer des rubalises rouges et blanches au bout de grandes perches à proximité des limites de votre terrain, qui permettront à l’agriculteur et vous de connaître le sens du vent, ce qui est très important car un vent défavorable peut conduire à suspendre une pulvérisation.


10) Dans le cas où cela se passe mal, vous êtes obligé d'aller voir l'agriculteur pour lui montrer les panneaux.     


11)   En général, tout le monde est attaché à la propriété privée, votre voisin de la même manière. Le fait de voir son produit chez vous, déposé sur vos panneaux est un choc et participe à la prise de conscience.

12)   Souvent à ce stade, la situation s’améliore. Si ce n'est pas le cas et que votre voisin conteste l’importance du débordement, vous reproche de faire cas de bien peu de choses,  soutient que de toutes façons il ne peut pas faire autrement et que vous avez à supporter ses produits chez vous, voir vous menace :

13)   N’insistez pas, la solution est ailleurs. Rappelons à cette occasion l’article 544 du code civil : « La propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu’on n’en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements »

14)  Arrivé à cette extrémité, le moment est venu de vous appuyer sur votre assurance responsabilité civile. Vous envoyez par courrier avec Accusé de Réception  une lettre à votre voisin, signalant les observations de débordement que vous avez faites, en sa présence si possible, et lui demandant de mettre fin immédiatement à ces débordements, qui créant pour vous un dommage, vous empêche de jouir de votre propriété, avec par exemple vos enfants. Une copie est envoyée avec AR ou déposée à votre assurance. 

15)   Votre assurance fait son travail, avertit la partie adverse du risque encouru si un contentieux devait survenir à l’occasion d’un nouveau préjudice. En général ce stade amène à fortement réfléchir.

16)   Il y a bien sûr les cas graves, où nous sommes mis devant le fait accompli, sans discussion, en connaissance de cause, où les avertissements n’ont aucune valeur.

17) Dans ces cas-là, le recours à une déclaration de sinistre auprès de votre assurance avec reconnaissance d’un préjudice (basé éventuellement sur la valeur locative de votre bien, pendant une période à définir suivant la nature du produit) est inévitable et procure un sentiment de justice et de réparation. Si les faits sont contestés, des prélèvements et des analyses peuvent être pratiqués par l’assurance.  Vous vous sentez moins seul, reconnu comme une personne qui a des droits.

18)   Certains penseront : pourquoi pas une procédure judiciaire ? Nous ne le recommandons pas car cela engagerait une procédure longue et usante. Cependant pour les cas très graves elle peut s’avérer nécessaire.

19)   Le cas des pollutions de terrains ou cultures en Agriculture Biologique doit maintenant être abordé.

Les agriculteurs bio ont adhéré à un label, peu importe lequel, et se sont engagés à travers un cahier des charges à respecter les pratiques de l’agriculture biologique.
Ils sont les garants et les responsables des produits ou cultures qu’ils vont ensuite proposer aux consommateurs. Ils ont aussi la responsabilité de surveiller  et le cas échéant de défendre leur production contre les pollutions extérieures.
Cela ne concerne évidemment que les pollutions consécutives à des accidents, des maladresses, des actes malveillants, ou délibérément imprudents, des situations qu’il est humainement possible d’éviter.
Si un agriculteur bio constate un débordement de produit phytosanitaire sur ses cultures, il a l’obligation de le signaler à son organisme certificateur de manière à pouvoir déclencher une procédure (n°17) de déclaration de sinistre à son assurance.
Une fois cette déclaration faite, l’agriculteur bio a reporté la responsabilité du sinistre dont il a la charge sur l’auteur des faits, son voisin. 
S’il ne fait pas cette démarche et qu’une analyse est faite par l’organisme certificateur, ou un client, plusieurs mois après, l’agriculteur Bio devient entièrement responsable de la pollution de ses produits. Et une procédure de perte de certification et de déclassement de ses parcelles peut être engagée.
Certes ce genre de situation n’est pas facile, mais il en va bien de la crédibilité de l’agriculture Bio dans son ensemble et de l’honnêteté de ses acteurs.
Certaines rumeurs dommageables circulent et il est grand temps que les agriculteurs Bio prennent bien conscience de cette problématique, et prennent en main leur destin.

Nous espérons que ces recommandations qui ont fait leurs preuves vous seront également utiles pour réagir fermement et efficacement contre les débordements de produits phytosanitaires!