Quelques jours avant, le gouvernement a annonçait la création de la
« Cellule Demeter » au sein de la gendarmerie, destinée à lutter
contre l’« agribashing ».
Le délai de recours qui prend fin le 28 février 2020 est l’occasion de
s’interroger sur les termes du problème tel qu’il est posé aujourd’hui. Pour
notre part, nous avons adressé un recours aux ministres pour obtenir le retrait
de ces deux textes qui, selon nous, méconnaissent les droits fondamentaux et la
loi. A défaut d’obtenir une réponse favorable, nous saisirons le Conseil d’État
à l’issue du délai de deux mois.
La polémique enfle sur la dangerosité des produits utilisés et plus
généralement les pratiques du le monde agricole, les uns réclamant une distance
minimale de sécurité de 150 mètres, les autres aucune distance minimale.
Ces deux décisions, décret sur les distances minimales de sécurité et
« Cellule Demeter » illustrent les choix du gouvernement qui fixe des
zones de non traitement réduites.
Les ministres instituent des distances minimales de sécurité pour les
produits selon leurs risques pour la santé :
Au moment où les agriculteurs dénoncent des agressions et se disent victimes d’« agribashing », que les riverains dénoncent la dangerosité des produits et que les médias font état de tensions, nous sommes intervenus dans ce débat par un recours contre ces textes comme citoyens résidant en zone rurale.
Les termes du débat sont à notre sens mal posés et peu ou mal documentés.
Ce qui est reconnu par tous, c’est que les produits de traitement utilisés en agriculture « dérivent », c'est-à-dire que sous l’effet de la pression de l’engin qui les propulse, du fait des techniques d’application employées, des conditions météorologiques etc… ils sortent des limites du terrain où ils sont utilisés en traitement pour atterrir dans des propriétés voisines.
De là naissent des conflits de voisinage liés à l’exposition des riverains.
Les utilisateurs des produits concluent qu’« il n’y a pas de risque puisque les produits sont inoffensifs, car autorisés », les autres prétendent au contraire qu’« ils sont nocifs et que la limite fixée par l’arrêté n’est pas suffisante pour protéger la santé publique. »
Le gouvernement se réfugie derrière l’avis de l’ANSES pour justifier des distances modestes.
Garder à l’esprit les principes de la République.
Nous proposons que les arguments avancés dans le débat contradictoire se réfèrent à ces principes fondamentaux.
Poser les bonnes questions.
La question posée est : « la dérive des produits est-elle admissible et est-il autorisé de déposer des produits phytopharmaceutiques chez son voisin, ou plus généralement sur une propriété qui n’est pas la sienne ? »
La réponse est fréquemment « puisqu’ils sont inoffensifs et autorisés, je peux les déposer. » ou « si vous prétendez qu’il y en a chez vous ou qu’ils sont dangereux pour votre santé, démontrez-le. » Le Code civil répond en partie en interdisant de déverser ses eaux pluviales qui ne sont pas toxiques …
Hors de la propriété où ils sont employés, les produits phytopharmaceutiques deviennent inutiles. Par exemple, sur la pelouse du voisin, dans un champ de blé limitrophe d’une vigne, sur des salades à côté d’un champ de maïs … dans tous les cas, ils ne sont plus utiles à leur propriétaire qui les abandonne du fait de la dérive.
La propriété étant inviolable, le propriétaire ou l’utilisateur des produits de traitement peut-il les déposer chez ses voisins sans leur accord ? Ce dépôt chez autrui constitue-t-il une nuisance ?
Poser les bonnes définitions.
Du fait de son abandon, le statut du produit de traitement qui franchit la limite de propriété change de statut. Le produit, la substance ou le principe actif ne peut être réemployé ou recyclé ni par l’utilisateur, ni par le tiers chez qui il a été déposé.
Le Code de l’environnement définit précisément cette situation à l’article L. 541-1-1 : « Tout résidu d’un processus de production, de transformation ou d’utilisation, toute substance, matériau, produit, ou plus généralement tout bien meuble abandonné ou que le détenteur destine à l’abandon » est un « déchet ».
Cela réduit considérablement l’acceptabilité des dérives qui sont qualifiées de déchets… d’autant que le Code pénal interdit le dépôt des déchets sur le domaine public ou les propriétés privées. (article R.632-1)
Les produits phytopharmaceutiques autorisés agissent de façon préventive et curative, par leurs principes actifs sur des végétaux cultivés dans une propriété. L’inviolabilité de la propriété impose qu’ils soient cantonnés à la propriété et aux végétaux auxquels ils sont destinés sans être abandonnés et déposés sur les propriétés des tiers.
Un décret et arrêté irrégulier
Fixer des distances minimales de sécurité comme le font le décret et l’arrêté, sans qualifier les franchissements de limites, constitue une autorisation de dépôt de déchets sur la propriété d’autrui ou sur le domaine public irrégulière au regard des principes fondamentaux de la République et des lois en vigueur.
Pourtant, respecter ces principes fondamentaux :
Le simple respect des règles de la République permet donc dès maintenant des avancées technologiques importantes et une protection accrue de la santé publique.
Cette conclusion ne clôt évidemment pas le nécessaire débat sur la toxicité des produits de traitement qui doit trouver des réponses en toute transparence."